Djâlal-od-Dîn Rûmi
et la confrérie des Derviches tourneurs
Il naquit dans la Turquie du 13ème
siècle. Bien que de confession musulmane, Rûmi ne se reconnaît pas dans le
dogme de l'islam. Il se considère comme un chercheur en conscience humaine,
privilégiant toujours l'expérience directe aux écrits imposés et figés de
l'époque. Rûmi fait partie du soufisme, la branche mystique de l'Islam. Comme
tout explorateur de la conscience humaine il rejeta le dogme religieux fixiste,
car il perçut intuitivement que tout n'est qu'évolution et que le
transpersonnel en l'humain évolue en même temps que le reste de la psyché. En
ce sens, la religion figée par le dogme est anti-transpersonnelle, le
développement personnel étant par essence recherche de liberté intérieure et
expansion de la conscience au-delà des limites imposés par un ordre politique
ou religieux. Rûmi percevait qu'au-delà des appartenances religieuses ou
nationalistes il n'existait qu'une seule humanité vivant de manière différente
dans la forme le transpersonnel, mais se rejoignant dans le fond.
Rûmi est un des exemples de l'intuition
qui précède le raisonnement. En effet, il eu l'intuition de bon nombres de
faits que la science moderne affirmera par la suite. Par exemple, il compris
que si on coupait un atome on y trouverait un système solaire en miniature, une
sorte d'explosion nucléaire : "Il est un
soleil caché dans un atome : soudain cet atome ouvre la bouche. Les cieux et la
terre s'effritent en poussière devant ce soleil lorsqu'il surgit de
l'embuscade. » Avant
les physiciens du 16 ème siècle il a pensé à la pluralité des mondes, mais
aussi que ce n'était pas le soleil qui tourne autour de la terre. Pour
terminer, il pressentait que l'évolution serait sans fin. Il énonce même, dans
un de ces poèmes, l'évolution de l'espèce de la matière à l'homme
conscient : « D'abord, tu
fus minéral, puis tu devins plante; Puis tu devins animal : comment
l'ignorerais-tu ? Puis tu fus fait homme, doué de connaissance, de raison ». Ce qui a l'époque lui opposa
les foudres des garants du créationnisme, les docteurs de la loi religieuse.
Philosophe, musicien, mais aussi poète (il écrivit plus de 25 000 vers sur
l'amour), chanteur et danseur Rûmi fonda la confrérie des derviches tourneurs
et conceptualisa ainsi les bases de la danse thérapie moderne.
La danse thérapie
soufie
L'approche psycho-corporelle établie
par Rûmi pour les derviches tourneurs se fonde sur diverses expérimentations et
ressentis intérieurs. Le soufisme et principalement la technique des derviches
tourneurs sont une recherche d'état modifié de conscience, d'expansion de
l'être et de développement des capacités créatrices. La technique mêle le
chant, la danse et la musique, en mobilisant l'attention de l'ouie, de la voix
et du corps. Le pratiquant entre dans un état cérébral d'onde alpha propice à
la relaxation psychosomatique. Les derviches sont habillés de blanc et portent
une toque noire ou rouge. Chaque élément comporte une forte symbolique. Les
pratiquants se mettent au milieu, un joueur de flûte improvise une mélodie en
fonction de son ressenti du moment. A cet instant, les pratiquants font trois
tours de la salle, chaque tour représentant symboliquement les trois sphères
nécessaires à l'épanouissement de l'être : le premier est celui de la
science, le second celui de la vision pénétrante et le troisième celui de
l'union. On voit nettement ici la volonté pour le pratiquant d'unifier sa
psyché entre science, logique raisonnée et intuition. Il n'y a aucune
dichotomie entre raison et intuition, les deux étant considérés comme
primordiales au développement personnel. Seules les voies orthodoxes des
religions mirent l'accent sur l'irrationnel uniquement, faussant ainsi le
chemin vers l'épanouissement total de l'être. Après ces trois tours ils
laissent tomber leurs manteaux, mettent les bras perpendiculaire au corps, une
main tournée vers le ciel l'autre vers la terre, ils inclinent aussi la tête et
commencent à tourner sur eux-mêmes au rythme des sonorités de la flûte et des
tambours. Leur ronde symboliserait celle des planètes autour du soleil et
autour d'elles-mêmes. On ressent ici la perception de s'unir au cosmos car le
soufi sait qu'il est identique à lui. Cela rejoint en partie les découvertes
récentes en astrophysique qui prouvent que les molécules composant l'être
humain sont constituées des mêmes atomes que ceux qui soutiennent l'univers
dans son ensemble. Nous serions comme dit l'astrophysicien Hubert Reeves : « des poussières d'étoiles ».
D'un point de vue psychothérapeutique
la danse des derviches possède plusieurs implications. Elle se défini comme un
système de développement des potentialités humaines. La danse favorise l'unité
motrice, psychique et affective du danseur, lui permettant de ressentir l'unité
esprit/corps et d'évacuer certaines tensions parasitant cette relation. Il est
important je pense d'analyser les influences de la danse sur la physiologie et
la psychologie du corps. Nous savons aujourd'hui que l'hypothalamus a certaines
influences sur les émotions, la région limbique représente le cadre
neurodynamique de l'instinct, des émotions, du tonus vital (euphorique ou
dépressif) et peut être inhibée et modulée par le cortex cérébral, siège de la
pensée. On localise aussi comme nous l'avons vu plus haut dans l'hémisphère
gauche du cerveau les fonctions analytique et cognitive de la psyché et dans
l'hémisphère droit des fonctions non verbales, intégratives et holistiques. La
danse stimule l'hémisphère droit du cerveau en utilisant le non verbal et la
stimulation intégrative par la perception musicale et le ressenti corporel.
Lors de la danse, le pratiquant induit une diminution des fonctions corticales
inhibitrices par la réduction de la perception visuelle, la danse étant
réalisée les yeux fermés. De la sorte les fonctions limbiques s'expriment plus
librement et le danseur peut avoir accès à ses émotions refoulées et décharger
ainsi certaines tensions inconscientes. La danse derviche et son rythme souple
et progressif active le mécanisme parasympathique du système nerveux autonome
permettant une régulation et un apaisement de l'organisme. Des études réalisées
à l'université de Cologne en Allemagne démontrent l'efficacité de la danse sur
le renforcement du système immunitaire. Le soufisme est une pratique de la
recherche d'états modifiés de conscience, comme le sont les voies explorées
plus haut. Comme le disait Rûmi lui-même, il existe un fond commun
transpersonnel. Il avait choisi le chant et la danse pour l'explorer.
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