mercredi 22 mai 2013

L’écriture qui exorcise l’exil: le cas de Tahar Benjelloun

L’écriture qui exorcise l’exil: le cas de Tahar Benjelloun






Soumaya NEGGAZ - L’exil et la solitude chez T. Benjelloun sont deux entités inséparables. À peine débarqué en France en 1971, pour son doctorat, il se sent seul, il est pénétré par une prise de conscience douloureuse de non appartenance et de déracinement.

Pour fuir cette affreuse réalité, cet univers qui tolère mal l’étranger, le différent, T. Benjelloun choisit d’écrire, il dit : «c’est le sang de l’exil qui me dicte ces syllabes».

Dans Réclusion solitaire, T. Benjelloun dit cette réalité vécue, soufferte et intériorisée qui est l’émigration. Chez lui le thème de la solitude devient une obsession qui structure son œuvre. Sa solitude est individuelle et son corollaire n’est que l’exil.
L’écrivain est un homme solitaire, son écriture devient un autre lieu d’exil. Il est reclus mais nullement séparé de ses maux ni de ceux de ses concitoyens. Loin de sa terre, le Maroc, et de son foyer, jeté dans un univers où il ne peut communiquer, il ne lui reste que le fantasme et le délire pour recouvrir sa blessure, celle d’un exilé. Pourtant ses fantasmes puisent même dans les racines profondes de la réalité marocaine. Par le biais d’images exotiques lui rappelant la chaleur du pays, son équilibre psychique est maintenu. Ses souvenirs deviennent le lieu favorable à sa décharge affective. T. Benjelloun montre l’espoir, la lueur et le souvenir de sa terre.
Ces images de la terre, de la nature et de la femme marocaine… sont le moyen idéal de trouver un heureux compromis avec son mal-être. Elles émergent à la surface de sa mémoire et c’est ainsi que l’auteur, nostalgique, retrouve le bien-être.
Tel un arbre qui, déraciné, se dessèche, l’exilé, loin des siens, se dépersonnalise et son exil devient une mutilation.
Pourtant, croyant que le retour est le remède à ses souffrances, T. Benjelloun se sent exilé à l’intérieur même de son pays. Le « paradis» dont il rêvait en terre d’exil se mue en un autre lieu d’exil encore plus insupportable que le précédent. La recherche et la quête de soi deviennent plus difficiles. Les fantasmes et les rêves ne suffisent plus à retrouver ses sources.
C’est ainsi que T. Benjelloun choisit de dire sa culture et son besoin de s’en dégager en revendiquant l’ouverture sur le monde et les autres cultures bien que cette ouverture ne signifie guère une dissolution de la culture d’origine dans les autres, entre autres la culture française. Pour dire et raconter, il renoue dans ses écrits avec l’art traditionnel du conteur pour soulever des problèmes cruciaux et tabous, mais avec un style saccadé et abrupt, qui rend toute l’aigreur et le malaise qu’il ressent. C’est grâce à cet état de choses que T. Benjelloun a pu nous offrir des romans tels que Harrouda, Moha le fou Moha le sage, L’écrivain public, La Nuit sacrée… et j’en passe.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire