mercredi 22 mai 2013

Une lettre à Shéhérazade


                                                                        à Bagdad

 



Si je t’écris aujourd’hui, c’est parce que ton visage me manque et les échos de ta voix aussi.

Je suis loin de toi, loin de ton ciel et pourtant si près.

Chaque soir je me recueille en silence et je prie. Je sais, les cris déchirent tes nuits, éparpillent les étoiles de tes mille et un étés, et des rivières de seins ensanglantés traversent tes palais.

Tu sais, je ne dors plus, je ne rêve plus, je m’affaisse dans mon lit les joues baignées de larmes, la tête incendiée.

Demain tu seras exécutée et ce ne sera pas par ton sultan, m’a-t-on dit. Des hordes barbares venues de loin te dépouilleront peut-être de tes soies brodées, de tes parfums, de tes trésors, mais jamais de  ton mystère ni de ta beauté.
Je te devine debout telle une pyramide au milieu du désert, le regard ardent, la tête tournée vers l’Orient, Shéhérazade tu n’es plus une illusion!
Des brumes de tes mille et une nuits renaîtront les étalons noirs de ton pays. Ils sillonneront tes sables et sécheront tes larmes. Et tel un phénix tu déploieras tes ailes, tu redeviendras reine plus forte encore, et plus belle. Ce jour-là,  de tes cathédrales et minarets s’élèveront des chants éternels à faire prosterner les plus athés.
Shéhérazade, ma capitale, ce soir en prenant le chemin qui mène à toi, ma douleur se délaie dans l’aube naissante de tes mots puisqu’à jamais ta parole surseoira à mon exécution, la mienne et longtemps après à celle de milliers de femmes et d’enfants.

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